La Nature au service de la technologie
I/. L'effet lotus, ou la superhydrophobie
II/. La peau de requin et les combinaisons de piscine
III. La coquille St-Jacques et la tôle ondulée
I/. L'effet lotus, ou la superhydrophobie
Il s'agit d'un effet physique propre à la feuille de lotus du à sa constitution au niveau microscopique. De ce fait les gouttes d'eau n'adhèrent pas à la surface de la feuille, mais glissent dessus sans mouiller le lotus. Une telle propriété permet à la plante de rester propre en permanence, les gouttes roulant sur sa feuille entraînant les saletés. Depuis sa découverte, ce phénomène est nommé "Effet Lotus".
Il s'agit du biologiste allemand Wilhelm Barthlott qui décrit pour la première fois ce phénomène en 1970 (sa découverte est en effet très récente, ce qui explique qu'il soit si peu connu du grand public). Ce dernier a en effet observé que l'eau ne mouille pas le Lotus : on peut totalement plonger une feuille de Lotus dans l'eau et l'en ressortir aussi sèche qu'avant son immersion. Wilhelm Barthlott a également enduit la plante de colle liquide et fut surpris de constater que cette dernière roulait sur la feuille sans laisser aucune trace !
Wilhelm Barthlott fut le premier à comprendre l'ampleur de sa découverte : les feuilles de Lotus sont des matériaux super-hydrophobes, des matériaux que les scientifiques n'avaient pu observer qu'en de rares cas et durant de courts laps de temps. Imaginez l'utilité d'un tel phénomène dans tous les domaines : textiles, industrie...
Aujourd'hui, un matériau présentant cette propriété est qualifié de superhydrophobe (de φόβος : la peur ; et de υδρό : l'eau).
Cet effet de super-hydrophobie peut être recréé sur une surface quelconque par le dépot d'un tapis de nanotubes de carbone, ce qui provoque une suspension du liquide sur les extrémités des nanotubes, entraînant un mouillage partiel de la surface en question.
Les applications techniques et industrielles liées à l'effet lotus sont diverses et variées. En effet, la possibilité de rendre une surface superhydrophobe offre de nombreuses perspectives dans le domaine commercial, surtout qu'aujourd'hui, il est aisé de créer une surface superhydrophobe : cela se fait par le dépôt de nanotubes de carbone, matériau très bien maîtrisé et facile d'accès.
Ainsi les matériaux superhydrophobes se développent-ils et commencent à se commercialiser : dans le domaine du textile, un tissu ainsi traité ne se mouillerait pas et permettrait la fabrication de tissus se séchant instantanément, pour créer de nouveaux maillots de bain. Dans le domaine industriel, les entreprises pourraient créer du verre sur lequel les gouttes d'eau glisseraient, pour entrer dans la fabrication de lunettes qui ne s'embuent pas. Un autre projet en cours d'apparition, la création de sprays imperméabilisant pour les murs et surfaces en tous genres, les rendant insensibles aux tâches de graisse ou aux graffitis.
Cependant, peu d'entreprises se lancent dans la fabrication de tels produits. Comme nous l'avons déjà dit l'effet lotus est méconnu du grand public, ainsi les consommateurs hésitent à acheter de tels produits. De plus, du fait du récent développement de cette technologie, il n'existe pas beaucoup de programmes de recherche et développement dédiés à la superhydrophobie. Toutefois, ces nouvelles technologies faites à base de nano-matériaux sont en plein essor, et dans peu de temps, il est certain que les matériaux super-hydrophobes trouveront leur place auprès de la demande, et deviendront des éléments de la vie quotidienne.
Le principe de fonctionnement
Au microscope électronique, on observe la structure particulière d'une telle surface de l'ordre de 1 à 10µm. Cette surface se présente sous la forme de petites protubérances, ce qui permet la non-adhérence de l'eau.
On peut distinguer plusieurs caractéristiques :
- Le mouillage dépend de l'angle d'inclinaison de la surface
- Le mouillage ne dépend pas de la taille de la goutte d'eau
- Les surfaces super-hydrophobes sont rugueuses.
On peut interpréter ses interactions avec les relations de Young-Papré : cosθ=(γSV-γSL)/γLV équivaut à γLV cosθ+γSL=γSV où γSV, γSL et γLV sont les tensions solide/vapeur, solide/liquide et liquide/vapeur des trois interfaces en présence.
Si c'est un solide hydrophobe, alors cosθ<0 car γSV<γSL. En effet, l'énergie de surface est plus faible sec que mouillée.
Si le substrat ressemble à l'air, alors S tend vers V et l'angle de contact tend vers 180° géométriques.
Equilibre de la ligne triple, ou ligne de contact
La somme des trois vecteurs est égale au vecteur nul si la goutte ne bouge pas ; et est égale à un vecteur non nul si la goutte se déplace.
Il faut différencier deux états distincts :
->L'état de Wenzel, schéma a)
->L'état de Cassie, schéma b)
Ces deux états se manifestent dans différentes conditions de la surface.
On peut opposer les surfaces hydrophobes aux surfaces hydrophiles :
->La surface est dite hydrophile si l'angle de contact est inférieur à 90°. La surface de contact avec la goutte est maximale
->La surface est dite hydrophobe si l'angle de contact est supérieur à 90°. La surface de contact avec la goutte est minimale
II/. La peau de requin et les combinaisons de piscine
La peau de requin a inspiré plusieurs combinaisons de piscine ces dernières années. Sa structure particulière a permis d'améliorer les performances de certains grands sportifs. Ces combinaisons de piscine se sont développées principalement depuis les Jeux Olympiques de Sydney en 2000. Les combinaisons de Speedo comme la Fastskin et la Fastskin II sont directement inspirées de la peau de requin. Pourtant ces combinaisons ne sont pas accessibles à tous et coutent aux environs de 450 euros. Toutefois, celles-ci ont été largement utilisées, pour produire 108 records au total : elles sont autorisées par la Fédération.
Tout d'abord, il faut déterminer le mécanisme de développement de la peau de requin :
Le développement de la peau de requin en plusieurs étapes:
Le derme est en 4, où se forme la papille (1). La papille est à l'origine de la plaque basale (2) et de l'épine (3) qui va creuser l'épiderme (5). D'autres structures sont présentes : l'émail (6) et la couche inférieure de l'épiderme (7), enfin les vaisseaux sanguins qui se développent au cours du temps (8).
Comment la peau de requin est-elle structurée ?
La peau de requin est composée d'écailles, véritables petites denticules orientées vers l'arrière qui n'altèrent en rien leur hydrodynamisme. L'alignement régulier de ces écailles facilite l'écoulement de l'eau, réduisant au maximum les turbulences produites par leur déplacement, avantage considérable pour le prédateur.
La combinaison en action :
Si l'on veut schématiser l'ensemble des forces sur la combinaison :
Les deux forces principalement mises en cause sont le poids et la poussée d'Archimède .
Le poids se définit par : P=m.g avec g, l'intensité de la pesanteur, où g=9,8N.kg-1.
La poussée d'Archimède se définit par : Π=p.v.g avec p la masse volumique en kg.m-3 et v le volume déplacé en m3 et g l'intensité de la pesanteur.
Sont également représentées sur ce schéma d'autres forces : la force motrice est crée par les muscles du nageur et permet l'avancée du corps. De plus, la force de trainée créée lors du mouvement d'un corps dans l'eau, ralentit ce corps. Enfin, la portance hydrodynamique s'exerce perpendiculairement au corps et est créée quand il y a mouvement d'un corps.
Si l'on définit 2 cas :
-Le Cas 1 : le nageur ne porte pas de combinaison. Son poids p est donc égal à sa masse corporelle m multipliée par l'intensité de la pesanteur et le poids p est donc p=mn.g. Sa poussée d'Archimède est plus forte que son poids, il ne coule donc pas.
-Le Cas 2 : le nageur porte une combinaison type peau de requin. Son poids p est plus important que dans le cas 2 : la masse totale m est mt=mn+mc et le poids p est plus important. Mais sa poussée d'Archimède est plus forte car une fine couche d'air s'installe entre la peau du nageur et la combinaison. Le volume d'eau déplacé est donc plus important, et la poussée Π est plus forte et le nageur flotte mieux.
Cette caractéristique de la combinaison est primordiale, et est complétée par le gainage de la combinaison, qui va maintenir le corps du nageur dans des conditions les plus hydrodynamiques possible, ce qui va lui permettre de pouvoir mieux se concentrer sur sa nage.
Au final, le nageur portant une combinaison bénéficie d'une aide considérable, ce qui lui permet de réaliser des meilleurs records.
Les applications et les utilités
Michael Phelps, septuple champion olympique de natation à Pékin, porte des combinaisons inspirées de la peau de requin
Toutes les propriétés et les caractéristiques de la peau de requin détaillées ci-dessus ont permis aux scientifiques de créer de nouvelles technologies modernes. L'application la plus connue est la combinaison des nageurs.
Par sa formation, le polyuréthane, et donc plus particulièrement la combinaison, notamment
1er avantage : Elle assure une fonction de gainage sur le nageur, ce qui règle très précisément sa position de pénétration dans l’eau. Le nageur est ainsi très peu mobile, ses mouvements sont essentiellement consacrés à la nage, le superflu est évité. La vitesse du nageur est donc optimisée grâce à la position que lui donne sa combinaison.
2ème avantage : Sur ces combinaisons, une légère couche de téflon est présente, ce qui lui confère des caractéristiques très lisses. Ainsi, cela réduit les frottements avec l’eau qui n’adhère pas, on pourrait presque parler d’hydrophobie (voir l’effet lotus).
3ème avantage : Ces combinaisons sont très légères, et, à l’inverse d’une éponge, elles repoussent l’eau. Elles permettent au nageur de ne pas couler, et de se concentrer uniquement sur sa vitesse de nage.
Exemples de records battus grâce à la combinaison LZR Racer de Speedo ®
100m Nage Libre (Masculin) : 46s91 Cesar Cielo Filho, (2009), a amélioré le record d'Alain Bernard de 3/10s, ce qui n'est pas négligeable.
200m Brasse (Masculin) : 49s82 Michael Phelps (2009) a amélioré son propre record de 7/10s, après avoir acquis une nouvelle combinaison.
200m Nage Libre (Féminin) : 1m52s98 Federica Pellegrini (2009) a battu le précédent record, de plus d'une seconde.
III. La coquille St-Jacques et la tôle ondulée
Le biomimétisme a également beaucoup d'autres applications telles que les Velcro de chaussures inspiré de la plante bardane, ou bien l'écholocation inspirée des chauves-souris. Pour mettre en relation l'expérience réalisée sur la résistance des feuilles de papier avec notre sujet, il nous faut expliquer le rôle des coquilles St-Jacques et de leur structure particulière dans la construction des toits.
Dans les années 1930, le Français Robert le Ricolais a commencé à étudier la structure particulière de la coquille St-Jacques. Cet ingénieur et architecte, mais également observateur de la nature a cherché le moyen d'augmenter la portée d'une surface en réduisant son poids. Le Ricolais a défini deux types d'ondulations de la coquille St-Jacques. Tout d'abord, une ondulation nettement visible, ce sont les côtes emblématiques de l'animal. De plus, à ces premières ondulations s'ajoutent des rainures plus fines dans les côtes de la coquille. Avec la croissance vers l'extérieur de la coquille, de nouvelles rainures se développent, perpendiculaires aux ondulations. Avec les différentes étapes de la croissance, des marques sont laissées sous forme de rainures.
Robert Le Ricolais a ainsi appliqué cette structure aux bâtiments en créant la tôle ondulée. Cette tôle est 7 fois plus résistante qu'une tôle ordinaire. La tôle ondulée est superposée en plusieurs couches perpendiculaires de façon à augmenter la portée du matériau. En s'inspirant de ses découvertes, se sont développées les structures appelées légères, encore utilisées aujourd'hui.
L'expérience réalisée confirme donc que la coquille St-Jacques a elle-même développée une structure résistante. Cette faculté a ensuite permis d'améliorer les matériaux déjà existants. C'est pourquoi, ici, la nature a inspirée l'architecture.